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Participer au travail. Pour quoi faire ?

Appel clos. Les articles ont été publiés dans Sociologie du travail 57 (1), janvier-mars 2015

Coordination : Julien Charles, Bénédicte Zimmermann et Anni Borzeix

Les propositions de contribution prendront la forme d’un texte de 8.000 à 10.000 signes (hors bibliographie). Ce texte présentera le sujet abordé et son positionnement dans la littérature, l’enquête empirique et les matériaux, les résultats attendus.
Elles doivent être envoyées sous format électronique avant le 25 juillet 2013 à l’adresse de la rédaction : socio.dutravail@sciences-po.fr.

Considérer qu’accroître la participation est vertueux va de soi dans de nombreux travaux sur la démocratie participative. Inversement, toute une frange de la sociologie du travail développe une forte suspicion à l’encontre de la notion de participation, investie et réappropriée par le management. L’objectif de ce numéro est de dépasser cette opposition entre une appréhension de l’impératif participatif comme ouverture heureuse aux voix de chacun, d’un côté, comme forme sournoise de domination consentie, de l’autre, pour soumettre les expressions concrètes de la participation à l’enquête sociologique. Il s’agit plus exactement d’interroger la participation à l’aune de ses conditions de réalisation dans l’espace du travail, en escomptant que les enseignements qui en seront tirés alimentent de manière plus générale les recherches sur la participation.

Fuyante et polysémique, la notion de participation au travail irrite tant elle concentre d’ambiguïtés. Une ambiguïté fondamentale tient au fait que l’acte même de travail nécessite la participation des salariés à l’entreprise. Dès lors, si travailler signifie participer, pourquoi ouvrir un dossier spécifique sur le sujet ? Parce que la participation en tant qu’implication personnelle dans le geste productif fait aussi l’objet de formes collectives, plus ou moins instituées, de soutien et de canalisation. C’est sur ces dernières que nous proposons de cibler ce numéro. Mais ces formes s’avèrent plurielles, parfois concurrentielles, en lien avec le type de participation visée –directe ou indirecte– et le type de collectif –à l’initiative des salariés ou de la direction– qui les porte. Nous nous limiterons ici aux formes de participation directe qui découlent de dispositifs promouvant une implication personnelle dans la gestion collective du travail et/ou de son organisation. Il ne s’agit donc ni de considérer l’engagement inhérent à tout geste productif, ni de porter attention aux formes délégatives de participation, mais plutôt d’étudier la réalisation des injonctions à participer et leur impact sur ces autres modalités du prendre part au travail. C’est ainsi que nous entendons rouvrir le dossier du « clair-obscur » de la participation traité dans Sociologie du Travail il y a 25 ans.

Historiquement porteuse d’un espoir ouvrier coopératif et autogestionnaire de contrôle de la production, la participation directe est devenue une notion massivement investie par le management. Ces sources antagonistes de légitimation en brouillent la lisibilité. Elles nous invitent à orienter l’enquête vers les ambivalences et contradictions de la participation, les formes d’engagement et de résistance qu’elle suscite, mais aussi les types de renouvellements et d’expérimentations auxquelles elle peut donner lieu, que l’initiative en revienne aux travailleurs ou à l’entreprise. En ce sens, la participation constitue une entrée originale pour aborder la question de la condition salariale et de ses évolutions, à la fois dans les secteurs marchands et non marchands, concurrentiels et non concurrentiels.

L’engagement de la personne toute entière au travail est une exigence qui pèse aujourd’hui sur l’ensemble des salariés à travers des dispositifs managériaux, tel que les groupes de résolution de problèmes ou d’amélioration continue, les cercles de qualité, les référendums d’entreprise, les organisations coopératives... Au nom de la culture de la participation et de l’engagement soutenant ces dispositifs, les incitations à participer se multiplient jusqu’à générer un sentiment de perte de temps et de sens. Lorsque la participation est liée à une injonction qui ne peut être investie de signification, ni pour soi-même, ni pour le collectif de travail, elle devient éprouvante et s’éloigne des conditions d’un travail bien fait (aux yeux de celui qui le réalise). S’ouvre alors une interrogation sur les affinités électives entre impératif participatif et politiques d’activation. À côté du surinvestissement participatif de certains pans du travail, d’autres se caractérisent par un défaut de participation ou une participation empêchée. Ce sont ces tensions de la participation, parfois encouragée, voire prescrite, d’autres fois entravée, que ce numéro invite à explorer dans une perspective tant historique que contemporaine, nationale et internationale, au travers d’enquêtes combinant investigations empiriques et discussions théoriques.

Si la participation est supposée donner prise sur ce qui importe aux participants, il est dès lors nécessaire d’investiguer attentivement la portée des dispositifs qui l’instituent, et ce, sous différents aspects : de ce qu’ils font effectivement au travail et aux personnes ; des moyens accessibles aux uns et aux autres afin de participer ; de la capacité d’agir susceptible d’en résulter, à quelles fins et pour qui. Ces différents aspects définissent une grille d’enquête sur laquelle s’appuieront les contributions.

Au-delà de l’investigation des lieux, dispositifs et procédures de participation, nous invitons les auteurs à étudier très concrètement ce que prendre part dans ces cadres diversifiés fait au travail et aux personnes. La problématique participative ne s’épuise pas dans la parole et la possibilité de s’exprimer verbalement. Participer c’est aussi agir, c’est éventuellement trouver une latitude d’action pour l’expression d’habiletés qui vont au-delà des prescriptions managériales, c’est encore pouvoir faire usage de compétences critiques. On ne s’arrêtera donc pas aux productions langagières pour prendre également en compte les possibilités ou impossibilités d’agir dans différents contextes participatifs. Ce faisant, il s’agira d’interroger, l’engagement participatif au travail en lien avec le pouvoir d’agir requis, développé ou entravé, mais aussi les ressources et les moyens accessibles aux uns et aux autres à cette fin.

Une telle problématique associant participation et pouvoir d’agir peut être formulée en termes de capacités. Au-delà de la capacité à participer, cette problématique oriente l’attention sur les capacités ou incapacités résultant de l’injonction participative. Afin de traiter cette question, nous invitons les auteurs à étudier ce sur quoi la participation est censée donner prise, en spécifiant l’analyse en fonction des objets et horizons de la participation. La participation au travail recouvre différentes facettes : le travail en tant qu’activité et réalisation, en tant qu’expérience et source de développement professionnel, en tant qu’organisation, relation de pouvoir ou encore production de valeur. Ces différentes facettes n’engagent pas forcément le même type de problématique participative.
Une autre question décisive porte sur les acteurs de la participation, leurs positions et moyens d’agir respectifs. Qui participe et comment ? Le monde du travail pose avec force le problème de l’asymétrie des acteurs et des inégalités dans la participation. Tous les salariés ne maîtrisent pas également les compétences requises pour participer, et tous n’ont pas forcément envie de participer dans le cadre prédéfini des dispositifs de participation institués. La participation doit dès lors être considérée à la fois comme source d’exclusion et d’inclusion, et sa dimension éprouvante mérite d’être questionnée. Se pose ici la question des finalités individuelles et collectives de la participation et, au-delà, des tensions, compatibilités ou incompatibilités entre formes de participation directe et indirecte.

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En croisant ces interrogations, les auteurs sont invités à considérer ce sur quoi débouchent les pratiques participatives et leurs effets dans le temps. En résulte-t-il effectivement une prise, un pouvoir d’agir ? Sur quoi ou qui ? Pour qui et avec quelles conséquences tant sur les personnes, les collectifs que leurs activités respectives ? Une telle interrogation pose plus largement la question du gouvernement de l’entreprise, et, au-delà, des rapports entre travail et démocratie.
L’originalité des contributions attendues tient à la façon d’instruire simultanément et de manière liée ces différentes questions à travers l’enquête empirique, avec une attention particulière aux tensions, ambivalences, contradictions et asymétries associées à la participation. Les auteurs veilleront à prendre distance avec la dichotomie entre lectures élogieuses et dénonciatrices de l’impératif participatif pour soumettre ce dernier, à travers la grille d’enquête ainsi définie, à l’épreuve de sa portée concrète sur le travail, son organisation et ses acteurs. Les travaux comparatifs ou confrontant différents dispositifs de participation, différents secteurs ou/et pays sont particulièrement bienvenus.

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La procédure se déroule en trois temps :

1.# Les intentions de contributions prendront la forme d’un texte anonymisé de 8.000 à 10.000 signes (hors bibliographie). Elles seront adressées en format électronique au secrétariat de rédaction de la revue avant le 25 juillet 2013.

2.# Les résultats de la pré-sélection, effectuée par les coordinateurs, seront communiqués début octobre 2013.

3.# Les auteurs dont la proposition a été présélectionnée adresseront leur article (75.000 signes maximum) au plus tard le 15 avril 2014 au secrétariat de rédaction de la revue. Les articles, anonymisés, seront évalués dans les conditions habituelles par le comité de rédaction.

Secrétariat de rédaction : socio.dutravail@sciences-po.fr.

Coordination du numéro : Julien Charles, Bénédicte Zimmermann et Anni Borzeix.

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