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Vol. 57 - n°2 (avril-juin 2015)


Le numéro est désormais consultable en texte intégral sur http://sdt.revues.org/1560


Articles

L’autonomie de la recherche scientifique en débats : évaluer l’ « impact » social de la science ? — Clémentine Gozlan

Temporaires, permanents, « vedettes » : la tripartition du salariat académique au Royaume-Uni — Simon Paye

Incontournables statuts. « Fonctionnaires » et « indépendants » à l’épreuve des catégorisations ordinaires du monde social — Cédric Hugrée, Laure de Verdalle

Un construit économique ? Produits de consommation et différentiation de genre. Le cas des gels douche — Isabelle Jonveaux

Comptes rendus


Articles

L’autonomie de la recherche scientifique en débats : évaluer l’ « impact » social de la science ?
Debates around the Autonomy of Scientific Research : Assessing the Social “Impact” of Science ?
Clémentine Gozlan

Résumé
De nombreux travaux ont montré que les activités scientifiques sont, aujourd’hui plus qu’hier, sujettes à des demandes de justification de leur utilité sociale et économique. Rares sont cependant les enquêtes qui interrogent la façon dont ces injonctions à l’utilité prennent forme dans les dispositifs d’évaluation. Cet article propose d’éclairer la construction d’un critère évaluant les liens entre science et société à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), en France. Initialement intitulé « impact » de la recherche, ce critère a fait l’objet de controverses entre les membres de la profession académique qui l’ont forgé. Deux facteurs se complètent pour expliquer la polarisation du débat. L’influence disciplinaire oriente la critique ou la défense de l’« impact » comme critère d’évaluation scientifique, mais les effets de position dans l’AERES sont également centraux pour comprendre comment l’évaluation d’activités à la frontière de la science a pu être inscrite comme critère légitime d’évaluation de la recherche.

Mots clés : Normes ; Évaluation ; Demande sociale ; Disciplines scientifiques ; Profession académique ; Sociologie des sciences ; Sociologie de l’action publique.

Abstract
Much research has shown that scientific activities, more now than in the past, are under pressure to justify their social and economic utility. There have, however, been few studies that explore the form that these demands for utility take in the evaluation processes. This article seeks to cast light on the formation of a criterion used to assess the links between science and society at AERES (research and higher education evaluation agency) in France. Initially titled “impact” of research, this criterion has aroused controversy between the members of the academic profession who forged it. Two factors combine in explaining the polarisation of the debate. The influence of academic disciplines affects whether “impact” attracts criticism or support as a criterion of scientific evaluation, but position effects within AERES are also crucial in understanding how the evaluation of activities at the frontiers of science has been able to become a legitimate criterion of research evaluation.

Keywords : Norms ; Evaluation ; Social demand ; Scientific disciplines ; Academic profession ; Sociology of science ; Sociology of public action.

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.02.001

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Temporaires, permanents, « vedettes » : la tripartition du salariat académique au Royaume-Uni
Casual, Permanent, “Stars” : The Three Classes of Academic Employment in the United Kingdom
Simon Paye

Résumé
Cet article interroge la recomposition du marché du travail universitaire à partir du cas britannique. Jusque dans les années 1990, l’emploi académique au Royaume-Uni s’organisait en deux segments de main-d’œuvre, primaire et secondaire, composés respectivement d’emplois permanents et temporaires. On observe depuis quelques années l’émergence d’un troisième segment. Il s’agit d’un micro-marché restreint, ouvert à des « vedettes » académiques capables de négocier des salaires élevés. Croisant entretiens biographiques et données longitudinales de carrières, l’article restitue les différents moments de la carrière académique au travers des trois espaces considérés, puis examine les conditions d’activation du micro-marché des vedettes. Il est montré que l’échange salarial au sein de ce dernier segment porte davantage sur les capitaux scientifiques des individus (publications, projets de recherche financés, etc.) que sur leur capacité de travail. Le fonctionnement du micro-marché de vedettes suppose alors des conditions sociales spécifiques : la capacité d’appropriation individuelle du travail comme actif transférable et l’existence de dispositions à valoriser ces actifs et à négocier des rémunérations exceptionnelles.

Mots clés : Universitaires ; Carrières ; Marché du travail ; Vedettariat ; Actifs transférables ; Royaume-Uni ; Capitaux scientifiques.

Abstract
This article explores the reshaping of the academic labour market through the example of Britain. Until the 1990s, academic work in the United Kingdom was structured into two kinds of labour force, primary and secondary, respectively made up of permanent and temporary positions. In the last few years, a third segment has emerged. This is a small micro-market, open to academic “stars” able to negotiate high salaries. Combining biographical interviews and longitudinal career data, the article identifies the different moments of the academic career through the three spaces in question, then examines the conditions under which the star microsystem came into being. It shows that salary negotiations in this latter segment are more about the individuals’ scientific capital (publications, funded research projects, etc.) than their actual work. This means that the operation of the star micromarket depends on specific conditions : the capacity for individuals to take ownership of work as a transferable asset and the existence of individual dispositions for exploiting these assets and for negotiating exceptional salaries.

Keywords : Academics ; Careers ; Labour market ; Star system ; Transferable assets ; United Kingdom ; Scientific capital.

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.03.001

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Incontournables statuts. « Fonctionnaires » et « indépendants » à l’épreuve des catégorisations ordinaires du monde social
The Criticality of Status : “Civil Servants” and “Self-employed” as Categorisations of the Social World
Cédric Hugrée, Laure de Verdalle

Résumé
Depuis les années 1990, la nomenclature française des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), outil historique de description quantitative des inégalités entre les groupes sociaux, apparaît fragilisée par un ensemble de critiques. Parmi celles-ci, l’hypothèse d’une baisse de la pertinence du statut est avancée. L’objet de ce texte est donc de mettre le statut à l’épreuve, en tant qu’il constitue un élément de catégorisation du monde social. Inspirée d’une expérience méthodologique conduite par Luc Boltanski et Laurent Thévenot au début des années 1980, notre démarche s’intéresse aux catégorisations ordinaires du monde social. Elle a consisté à soumettre à 547 enquêtés un jeu de 33 cartes représentant des salariés (sur contrats de durée déterminée ou indéterminée), des travailleurs indépendants (à leur compte ou employeurs), ainsi que des fonctionnaires ou assimilés, et à leur demander de constituer des groupes de cartes. Les classements effectués confirment la centralité du statut en montrant que l’indépendance et la fonction publique constituent en France deux pôles incontournables de représentation de l’espace social.
Mots clés : Catégorisations ordinaires ; Classes sociales ; Expérimentation ; Fonction publique ; Indépendants ; Professions et catégories socioprofessionnelles ; Stratification sociale.

Abstract
Since the 1990s, the French classification of professions and socio-professional categories, the quantitative tool historically used to describe the inequalities between social groups, has come under criticism from numerous quarters. One critique suggests that status has become less relevant. The aim of this paper, therefore, is to test the concept of status, insofar as it constitutes one way of categorising the social world. Inspired by a methodological experiment conducted by Luc Boltanski and Laurent Thévenot in the early 1980s, our approach looks at the ordinary categorisations of the social world. It entailed submitting to 547 survey subjects a set of 33 cards representing employees (on permanent and temporary contracts), self-employed workers (either freelancers or employers), as well as civil servants or equivalent employees, and asking them to assemble the cards into groups. The classifications formed confirm the centrality of status by showing that self-employment and public service in France constitute two fundamental polarities in the representation of social space.

Keywords : Ordinary categorisations ; Social classes ; Experimentation ; Public service ; Self-employed ; Professions and socio-professional categories ; Social stratification.

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.02.002

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Un construit économique ? Produits de consommation et différentiation de genre. Le cas des gels douche
An Economic Construct ? Consumer Products and Gender Differentiation. The Case of Shower Gels
Isabelle Jonveaux

Résumé
Alors que la construction sociale des différences sexuelles entre hommes et femmes est remise en question dans la société, le champ économique accentue cette distinction en proposant toujours plus de produits différenciés selon l’identité sexuelle du groupe de consommateurs ciblé. Cette différenciation selon le genre est particulièrement sensible dans le cas de produits qui demeurent identiques dans leur principe actif mais dont seuls des aspects extérieurs, comme l’odeur ou surtout l’emballage, varient — dont le gel douche constitue un cas d’école. Une enquête menée auprès de quarante personnes a permis de mettre en évidence des acquis sociaux dans les codes marketing de distinction de genre sur le marché du gel douche, comme les odeurs et les couleurs qui seraient associées à chaque sexe, mais aussi un écart entre les goûts réellement exprimés et les cibles du marketing. Cette différenciation des produits sur le marché crée pour les consommateurs une contrainte de genre, à laquelle ils pourront se soumettre, la considérant comme un renforcement de leur identité sexuelle, ou résister, n’y voyant qu’une ruse marketing pour des produits au fond identiques. Cet article vise donc à explorer la façon dont se construit, sur un marché, la différenciation des produits selon le sexe des consommateurs visés, et la réception de cette segmentation par les consommateurs eux-mêmes.

Mots clés : Économie ; Genre ; Consommation ; Gel douche ; Différenciation ; Emballage.

Abstract
At a time when the social construction of sexual differences between men and women is under challenge in society, in the economic sphere this distinction is being reinforced, with ever more products differentiated in terms of the sexual identity of the target consumer group. This gender differentiation is particularly significant in the case of products that are identical in their active ingredient and vary only in their external aspects, such as smell or packaging, shower gels being a textbook case. A survey conducted with forty people highlighted social factors in the marketing codes of gender distinction on the shower gel market, such as the smells and colours to be associated with each sex, but also a gap between the tastes actually expressed and the marketing targets. For consumers, this product differentiation creates a gender constraint, which they can either accept, seeing it as a reinforcement of their sexual identity, or resist as simply a marketing ruse for products that are ultimately the same. This article therefore seeks to explore the way in which differentiation on the basis of the sex of consumers is constructed on a market, and how this market segmentation is received by the consumers themselves.

Keywords : Economics ; Gender ; Consumption ; Shower Gel ; Differentiation ; Packaging.

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.03.006

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Comptes rendus

Le Capital au XXIe siècle, T. Piketty. Le Seuil, Paris (2013). 976 p.
Olivier Godechot

Le paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique, N. Heinich. Gallimard, Paris (2014). 384 p.
Olivier Caïra

Jazz, les échelles du plaisir, O. Roueff. La Dispute, Paris (2013). 268 p.
William Weber

Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, R. Connell. Ouvrage traduit sous la direction de M. Hagège et A. Vuattoux. Éditions Amsterdam, Paris (2014). 288 p.
Christine Guionnet

L’identité au travail. Les effets culturels de l’organisation, R. Sainsaulieu (4e édition augmentée d’une préface de Norbert Alter). Presses de Sciences Po, Paris (2014). 604 p.
Matthieu de Nanteuil

Le champ de la théorie. Essor et déclin du structuralisme en France, J. Angermuller. Hermann, Paris (2013). 166 p.
Isabelle Gouarné

La communication syndicale, S. Olivesi. Presses universitaires de Rennes, Rennes (2013). 226 p.
Cécile Guillaume

Les avocats en Tunisie de la colonisation à la révolution (1883-2011). Sociohistoire d’une profession politique, E. Gobe. Karthala, Paris (2013). 360 p.
Elisabeth Longuenesse

L’univers des mathématiciens. L’ethos professionnel des plus rigoureux des scientifiques, B. Zarca. Presses universitaires de Rennes, Rennes (2012). 362 p.
Arnaud Saint-Martin

Travailler à guérir. Sociologie de l’objet du travail médical, A.-C. Hardy. Presses de l’EHESP, Rennes (2013). 302 p.
Marc-Olivier Déplaude

Le salaire de la confiance. L’aide à domicile aujourd’hui, F. Weber, L. Trabut, S. Billaud (Eds). Éditions rue d’Ulm, Paris (2014). 368 p.
Natacha Borgeaud-Garciandia

La Chine et ses migrants. La conquête d’une citoyenneté, C. Froissart. Presses universitaires de Rennes, Rennes (2013). 406 p.
Simeng Wang

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