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Lauréats du Prix du jeune auteur 2015
Le prix du jeune auteur de la revue Sociologie du travail récompense cette année trois articles.
L’objectif de ce prix est d’encourager de jeunes auteurs à valoriser un travail de recherche et de les inciter à se confronter aux normes académiques en s’appropriant les codes de l’écriture scientifique et en jouant le jeu de l’évaluation par les pairs.
Neuf propositions ont été reçues et évaluées cette année, par un jury composé de six collègues : trois extérieures à la revue — Laure Bonnaud (RiTME), Sophie Pochic (Centre Maurice Halbwachs) et Cécile Vigour (Centre Émile Durkheim) — et trois membres du comité de rédaction — Philipe Bezes, Didier Demazière et Geneviève Pruvost. Laure de Verdalle a rempli la fonction de coordinatrice. Ces propositions étaient, pour la plupart, extrêmement convaincantes et d’une grande qualité.
La sélection s’est faite en deux temps, avec un choix final qui a porté sur sept articles, jugés extrêmement stimulants par l’ensemble des membres du jury. À l’issue de ce second tour, trois textes se sont détachés en tête du classement, les quatre autres présentant des scores assez proches. Nous avons donc décidé d’attribuer trois prix cette année, les auteurs des quatre autres articles présents au second tour étant pour leur part fortement incités à retravailler leurs textes pour en proposer une nouvelle version au comité de rédaction.
Toutes nos félicitations aux trois lauréats !
Hugo Bertillot (premier prix) est post-doctorant à l’EHESP (équipe Management des Organisations de Santé), après une thèse de sociologie soutenue en 2014, sous la direction de Christine Musselin et Daniel Benamouzig. Il est l’auteur d’un article consacré au mouvement de développement d’indicateurs de qualité à l’hôpital dans les années 2000 en France. Tout en retraçant la sociogenèse de ces indicateurs, la thèse défendue, forte et bien étayée empiriquement, est que cet essor, loin de traduire une rupture brutale de nature néo-libérale, repose sur un processus de rationalisation en douceur dont les mécanismes sont plus subtils et complexes à élucider. Son article commence par décrire de quelle manière l’auditabilité des hôpitaux s’impose comme un motif d’action publique dans la seconde moitié des années 1990, et identifie pour cela trois mouvements conjoints : l’émergence des palmarès des hôpitaux comme genre journalistique, la mobilisation d’une association de patients touchés par des infections nosocomiales, et le travail d’un petit groupe d’épidémiologistes, d’économistes de la santé, de médecins en santé publique et de chercheurs en sciences sociales. Il montre ensuite, de manière très fine, comment les indicateurs de qualité font l’objet d’un investissement institutionnel prudent dans les années 2000, avant d’analyser les caractéristiques techniques et cognitives qui font d’eux une « douce technologie de gouvernement ».
Marie Piganiol (deuxième prix) est attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’EHESS et membre du CSO, engagée, sous la direction de Sophie Dubuisson-Quellier, dans une recherche doctorale consacrée à la production des espaces et la construction de la valeur dans les projets urbains. À partir de l’étude d’un projet architectural parisien impliquant élus, aménageur, architectes, bureaux d’études et promoteurs, son article examine la manière dont un groupe professionnel — les architectes — voit son autonomie remise en cause, dans le cadre d’une rationalisation des contextes de travail et d’une spécialisation accrue du travail. Contre les arguments des travaux qui insistent sur la vulnérabilité des professions, l’article montre que des marges de manœuvre subsistent. L’auteur examine d’abord les contrôles politiques qui s’exercent sur les architectes en amont de la conception, puis les formes de contrôle économique qu’imposent les promoteurs. Elle s’intéresse ensuite aux ressources que les architectes mobilisent afin d’accroître leur capacité de résistance face à ces contraintes. D’une part, leur pouvoir statutaire maintient des hiérarchies et des frontières professionnelles qui se manifestent dans la répartition des tâches de conception (au détriment des bureaux d’études notamment) ; d’autre part, les architectes jouent de leur pouvoir relationnel pour nouer des alliances qui leur permettent de défendre leurs choix architecturaux et leur conception de la qualité.
Florent Castagnino (troisième prix) est doctorant au LATTS, sous la direction de Valérie November. Ses travaux portent sur la mise en place de nouveaux dispositifs face au risque dans le secteur ferroviaire. Son article repose sur une analyse comparée de deux bases de données de la SNCF : l’une recensant les accidents en vue de développer une politique de sécurité, l’autre recensant les actes de malveillance en vue de développer une politique de sûreté. L’auteur examine successivement la manière dont ces bases sont alimentées, puis les procédures de classement et de codification des informations, et enfin les usages auxquels elles donnent lieu, en vue de conduire des actions correctrices. L’article analyse ainsi en profondeur comment se diffuse et s’internalise à la SNCF un paradigme du risque qui s’incarne toutefois différemment dans les deux cas, notamment parce que l’enjeu de sécurité est plus ancien et plus institutionnalisé dans l’organisation SNCF que l’enjeu de sûreté. Si la sécurité se présente aujourd’hui pour l’entreprise ferroviaire comme un risque « endogénéisé », maîtrisable à partir des éléments dont elle dispose, à l’inverse, la sûreté apparaît comme un risque « diffus », l’enjeu de la constitution de la base de données étant dès lors de réussir à le traiter comme un problème interne d’entreprise.
Ces trois articles seront publiés dans le volume 58 (3) de Sociologie du travail, à paraître à l’automne 2016.