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Vol. 54 - n°2 (avril-juin 2012)

Articles

Le travail en chambre mortuaire : invisibilité et gestion en huis clos - J. Wolf.

Du « zèle » à l’autogestion : retour sur les usines récupérées d’Argentine - M. Quijoux.

Entrer aux Chantiers : les transformations de la socialisation professionnelle et des rapports intergénérationnels aux Chantiers de l’Atlantique (1950-2005) - N. Roinsard.

L’« agent économique dormant » : enquête sur la capitalisation professionnelle de signalements communautaires - C. Calvignac.

Une action publique hybride ? Retour sur l’institutionnalisation d’un partenariat public-privé, JCDecaux à Lyon (1965-2005) - M. Huré

Comptes rendus


Articles

Le travail en chambre mortuaire : invisibilité et gestion en huis clos

Working in the mortuary : Invisibility and management behind closed doors

Judith Wolf

Résumé
Comment la société gère-t-elle ses morts ? Souvent situées au fond des hôpitaux, délaissées des soignants comme des directions d’établissement, marginalisées, voire stigmatisées, les chambres mortuaires reçoivent pourtant près d’un défunt sur deux, représentant ainsi l’un des principaux lieux d’accueil de la mort en France. Agents hospitaliers, thanatopracteurs, employés des pompes funèbres, représentants religieux, etc. : toute une micro-société se déploie là, à la frontière du monde médical et du monde funéraire. On y découvre un univers paradoxal, aux hiérarchies bousculées. À partir d’une étude ethnographique, cet article décrit les processus de prise en charge des corps au sein des chambres mortuaires. En mettant l’accent sur les séries de collaborations qui forment la trame du traitement des défunts, il s’interroge sur le rôle de chacun et sur la portée de ce travail collectif.

Mots clés : Mort ; Hôpital ; Chambre mortuaire ; Corps ; Agents hospitaliers ; Funéraire ; Groupes professionnels ; Collaborations

Abstract
How does society manage the deceased ? Often located in the most remote section of a hospital, forsaken by nurses, doctors, and management, even stigmatized, hospital mortuaries admit nearly one out of two deceased persons. They thus represent one of the main places receiving the dead in France. Hospital employees, morticians, funeral directors, the representatives of religions, etc., a full microsociety develops there at the borderline between medicine and funerals, a paradoxical place where hierarchies bump against each other. Fieldwork is used to describe how bodies are taken in charge inside hospital mortuaries. By emphasizing the chain of acts of collaboration in the handling of corpses, questions are raised about each person’s role and the scope of this collective work.

Keywords : Death ; Mortuary ; Corpse ; Hospital ; Hospital employees ; Funeral ; Occupational groups ; Collaboration ; France

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Du « zèle » à l’autogestion : retour sur les usines récupérées d’Argentine

From “zeal” to self-management : Looking back on the factories “recuperated” in Argentina

Maxime Quijoux

Résumé
Depuis le début des années 2000, l’Argentine est le théâtre d’un certain renouveau autogestionnaire. Plus de 20 ans après la fin de « l’expérience yougoslave », ce pays connaît en effet une vague d’occupations et de « récupérations » d’usines par leurs salariés qui suscite l’intérêt des altermondialistes : ces mobilisations incarneraient l’une des alternatives majeures à la globalisation « néolibérale ». En revenant de façon exhaustive sur l’un des cas emblématiques de ces récupérations, cet article montre à l’inverse que ses acteurs agissent au nom d’une relation privilégiée aux dirigeants et d’un « ethos du zèle ». En ce sens, leur lutte et la mise en place de l’autogestion constituent un cas riche d’enseignements pour l’analyse des mobilisations.

Mots clés : Autogestion ; Argentine ; Récupérations d’usines ; Mobilisations ouvrières ; Zèle

Abstract
Since the turn of the century, Argentina has been the scene of a renewal in “self-management.” More than twenty years after the end of the Yugoslavian experiment, a wave of factory occupations and “recuperations” by their wage-earners has unfurled in this South American land, and aroused the interest of those opposed to globalization. This activism represents a major alternative to “neoliberal” globalization. As this exhaustive examination of a symbolic instance of “recuperation” shows however, those involved undertake their actions in the name of a special relation with company directors and out of an “ethos of zeal”. In this sense, their struggle and the implementation of self-management is an example laden with lessons for analyzing activism.

Keywords : Self-management ; “Recuperation” of factories ; Labor mobilization ; Zeal ; Argentina

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Entrer aux Chantiers : les transformations de la socialisation professionnelle et des rapports intergénérationnels aux Chantiers de l’Atlantique (1950-2005)

Entering the Shipyards : Changes in professional socialization and intergenerational relationships in Chantiers de l’Atlantique (1950-2005)

Nicolas Roinsard

Résumé
Tiré d’une étude sociologique réalisée auprès de trois générations d’ouvriers des Chantiers de l’Atlantique, cet article décrit et analyse, dans une perspective dynamique, d’un côté les transformations de l’emploi et du travail dans l’industrie navale au cours des cinq dernières décennies (1950-2005) et, de l’autre, les mutations de la socialisation professionnelle et des rapports intergénérationnels au travail dans le groupe ouvrier des Métallos. Partant du postulat selon lequel l’âge et la génération ne sont pas des donnés sociologiques en soi mais relèvent d’une construction sociale singulière, notre propos vise à montrer en quoi le mode d’engendrement des trois générations ouvrières ainsi observées repose d’abord et avant tout sur des modes différenciés d’accès à l’emploi d’une part, et de socialisation professionnelle et organisationnelle d’autre part.

Mots clés : Générations ouvrières ; Chantiers navals ; Socialisation professionnelle ; Rapports intergénérationnels au travail ; Organisation du travail ; Emploi ; Saint-Nazaire ; France

Abstract
Based on the data of a sociological study conducted among three generations of workers of Chantiers de l’Atlantique, this article describes and analyzes, in a dynamic prospect, first, the changes in employment and labor in the shipbuilding industry over the last five decades (1950-2005) and, secondly, the changes in professional socialization and intergenerational relationships at work in the group of the metal-workers. On the basis of the postulate according to which the age and the generation are not sociological data in themselves but result from a singular social construction, our purpose is to show how the mode of production of the three working generations observed is directly related to differences in access to employment on the one hand, and to professional and organizational socialization on the other hand.

Keywords : Working generations ; Shipyards ; Professional socialization ; Intergenerational relationships at work ; Employment ; Organization of work ; Saint-Nazaire ; France

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L’« agent économique dormant » : enquête sur la capitalisation professionnelle de signalements communautaires

“Sleeper agents” : A survey on the professional capitalization of community particulars

Cédric Calvignac

Résumé
Dans cet article, nous montrons que la participation bénévole et désintéressée à des communautés d’innovation n’est pas incompatible avec la poursuite d’objectifs professionnels. Ces deux démarches vont, au contraire, bien souvent de pair. En d’autres termes, nous mettons en évidence le fait que les contributeurs aux projets informatiques libres sont tout à la fois des acteurs communautaires diligents et des agents économiques dormants. En effet, en sus d’une position assumée d’activiste dévoué à la cause, le développeur amateur se positionne professionnellement, met en place des signalements attestant de sa formation communautaire. S’il se définit avant tout comme le défenseur d’un modèle libre et citoyen, il sait aussi s’infiltrer habilement dans les canaux du marché de l’emploi afin d’asseoir son image professionnelle et d’afficher ses prétentions à une mobilité sociale ascendante.

Mots-clés : Innovation ; Logiciel libre ; Communauté ; Professionnel-amateur ; Motivations ; Carrière

Abstract
Volunteer, disinterested participation in open-source communities of innovation is shown to be compatible with the pursuit of professional goals ; indeed, the two often go together. Those who contribute to open-source software are both conscientious stakeholders in a community and economic “sleepers”. Besides assuming the position of an activist devoted to the “cause”, amateur developers stake out an occupational position and send signals attesting their participation in the community. Although they define themselves mainly as champions of a “free” model of citizenship, they also subtly infiltrate channels of employment in the labor market so as to build up their professional image and lay claim to upward social mobility.

Keywords : Innovation ; Freeware ; Open-source community ; Professional/amateur ; Motivations ; career

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Une action publique hybride ? Retour sur l’institutionnalisation d’un partenariat public-privé, JCDecaux à Lyon (1965-2005)

A hybrid public action ? Reviewing the institutionalization of a public-private partnership, JCDecaux in Lyon (1965-2005)

Maxime Huré

Résumé
Cet article propose d’analyser le travail de JCDecaux à Lyon à partir des interactions entre l’entreprise et les collectivités locales. À travers les liens qu’elle a progressivement noués avec la Communauté urbaine de Lyon, créée en 1969, la société JCDecaux a participé à la mise en place de l’agglomération. Nous souhaitons partir de la continuité des rapports entre une entreprise, JCDecaux, et la Communauté urbaine de Lyon, pour interroger les recompositions à l’œuvre dans les institutions traditionnelles qui organisent nos sociétés modernes. Si les institutions publiques participent à structurer le marché et à construire des modèles de capitalismes urbains, les entreprises privées contribuent également à élaborer les cadres d’action des autorités publiques. Cette construction conjointe se traduit par des interactions de plus en plus nombreuses et le renforcement de relations d’interdépendances qui tendent à légitimer une forme hybride d’action, publique/privée.

Mots clés : Grands groupes privés ; Institution urbaine ; Pouvoir politique ; Gouvernement urbain ; Partenariat public/privé ; Interactions ; Interdépendances

Abstract
The work of JCDecaux in Lyon is analyzed on the basis of interactions between the company and local authorities. Through the relations gradually established with the Lyon Urban Community, created in 1969, the firm JCDecaux had a part in setting up the urban agglomeration. The continuity in the relations between these two parties is used to investigate how the institutions are reworked that organize modern societies. Public institutions help structure the market and construct models of urban capitalism, while private companies help work out the framework for public authorities’ actions. This joint construction leads to ever more interactions and reinforces the interdependence that tends to legitimate a hybrid form of public/private action.

Keywords : Big private firms ; Urban institutions ; Political authorities ; Urban government ; Public/private partnership ; Interactions ; Interdependence ; Lyon ; France

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Comptes rendus

La transplantation d’organes, Un commerce nouveau entre les êtres humains, P. Steiner. Gallimard, Paris (2010). 352 pp.
Michel Callon

The Sense of Dissonance, Accounts of Worth in Economic Life, D. Stark. Princeton University Press, Princeton and Oxford (2009). xviii-245 pp.
Étienne Nouguez

L’exclusion bancaire, G. Gloukoviezoff. Puf, Paris (2010). 367 pp.
Laure Lacan

The Labor of Luck. Casino Capitalism in the United States and South Africa, J.J. Sallaz. University of California Press, Berkeley (2009). 344 pp.
Jens Beckert

Traité de sociologie économique, P. Steiner, F. Vatin (Eds.). Puf, Paris (2009). 800 pp.
Benoît Lévesque

Dynamiques de la sociologie économique. Concepts, controverses, chantiers, C. Bourgeois, A. Conchon, M. Lallement, P. Lénel (Eds.). Octares, Toulouse (2009). 236 pp.
Benoît Lévesque

Et maintenant une page de pub ! Une histoire morale de la publicité à la télévision française (1968-2008), S. Parasie. Ina Éditions, Bry-sur-Marne (2010). 265 pp.
Laure Gaertner

Théorie anti-utilitariste de l’action, fragments d’une sociologie générale, A. Caillé. La Découverte, Paris (2009). 192 pp.
Alaric Bourgoin

Penser les mouvements sociaux, Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, O. Fillieule, É. Agrikoliansky, I. Sommier (Eds.). La Découverte, Paris (2010). 327 pp.
Patrick Castel

La négociation du temps de travail : une comparaison France-Allemagne, J. Thoemmes. LGDJ, Paris (2010). 184 pp.
Jean-Yves Boulin

Le sacre de l’amateur : sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, P. Flichy. Seuil, Paris (2010). 96 pp.
Cédric Calvignac

Choisir son école, Stratégies familiales et médiations locales, A. Van Zanten. Puf, Paris (2010). 283 pp.
Marianne Blanchard

La spirale des inégalités. Choix scolaires en France et en Italie au XXe siècle, G. Manzo. Presses de l’université Paris-Sorbonne, Paris (2009). 335 pp.
Annick Kieffer

Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale, F. Dubet, M. Duru-Bellat, A. Vérétout. Seuil, Paris (2010). 212 pp.
Christian Maroy

Éduquer les pauvres, former le peuple. Généalogie de l’enseignement professionnel français, H. Terral. L’Harmattan, Paris (2009). 199 pp.
Gilles Moreau

Sociologie du lycée professionnel, A. Jellab. Presses universitaires du Mirail, Toulouse (2009). 332 pp.
Catherine Agulhon

Travailler et étudier, V. Cohen-Scali. Puf, Paris (2010). 236 pp.
Vanessa Pinto

L’école buissonnière, É. Douat. La dispute, Paris (2011), 209 pp.
François Sarfati

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